Étude de cas – Un marché couvert à Saint-Dizier

Un marché couvert à Saint-Dizier

Projet exécuté par : Ville de Saint-Dizier, pierre fournie par : Polycor et SNBR


DES ENJEUX MULTIPLES


La ville de Saint-Dizier fait partie des 222 communes engagées dans le plan national « Action cœur de ville » qui vise à améliorer les conditions de vie des habitants des villes moyennes et conforter le rôle moteur de ces villes dans le développement du territoire.

Le projet du marché couvert constitue un élément structurant de cette stratégie de revitalisation du centre-ville visant à recréer un tissu économique local tourné vers le commerce et l’artisanat.

Le marché couvert municipal permet d’accueillir les commerçants des métiers de bouche locaux (boulanger, boucher, poissonnier, primeur, etc…) et des lieux de petite restauration (rôtisserie, brasserie, etc).

Derrière ce programme se cache un enjeu majeur d’attractivité commerciale d’une ville moyenne au XXIe siècle. Le nouvel édifice tentera de :

  • Proposer une « expérience » de la halle gourmande en cœur de ville
  • Dialoguer avec le centre ancien et les habitants
  • Définir une architecture du commerce face aux enjeux contemporains
  • Structurer de nouveaux flux à travers les espaces publics et la porosité de l’édifice

Après ces quelques mois d’activités, nous nous réjouissons de l’évolution des usages :

  • Le marché a augmenté ses plages d’ouverture à 4 demi-journées par semaine (seulement 2 auparavant) et ambitionne d’ouvrir d’avantage si la demande est présente.
  • La brasserie ouvre 6 jours sur 7 de manière indépendante.
  • Le marché est composé d’une grande partie fermée / tempérée et de 2 grands auvents pour accueillir les commerces volants du mercredi et samedi matin.

D’UNE PERMANENCE URBAINE VERS UNE CREATION ARCHITECTURALE EN CENTRE ANCIEN


La ville compte actuellement 25 000 habitants contre 35 000 en 1970.

Le cœur urbain s’est progressivement dévitalisé, les zones d’activité périphériques prospèrent.

Le nouveau marché est une étape importante du nouveau cœur de ville. Il tente de relier le centre historique, les quartiers d’après-guerre, la grande friche centrale en devenir, le parc de la préfecture.

Pour la mairie de Saint-Dizier, le nouveau marché doit être la « locomotive » du centre-ville.

Locomotive économique, sociale, culturelle.

De ce constat, découle une contrainte majeure qui guidera le projet : L’implantation du nouveau marché doit être maintenu en lieu et place du marché historique de la ville malgré les contraintes qui en incombe.

L’implantation en cœur historique et la co-visibilité avec le château protégé Monument Historique est une contrainte majeure du site. Le projet propose d’expérimenter l’hypothèse suivante :La création architecturale contemporaine en centre ancien peut avoir un rôle écologique, économique et sociale pour nos territoires.

Le nouveau marché propose de nourrir le cœur de ville par la ressource locale, les savoir-faire et la culture architecturale, de tisser de nouveaux liens entre le patrimoine matériel et immatériel du territoire.

La nouvelle halle se trouve à l’emplacement de l’ancien établissement vétuste présentant de désordres structurels marquant l’arrêt de l’activité du marché.

Ce site présente 3 contraintes structurelles très fortes :

  • une rivière (l’Ornel) traverse le sous-sol du bâtiment d’est en ouest
  • des chauve-souris protégées nichent dans les anciennes caves sous le bâtiment (interdiction formelle de perturber leur milieu )
  • un sol de mauvaise qualité nécessitant des fondations spéciales : pieux à 12m

Le projet s’appuie sur ces contraintes structurantes en développant une approche singulière portée par Jean-Marc Weill architecte-ingénieur (détaillée dans la dernière partie). Le nouvel édifice est un bâtiment pont qui franchi l’ancienne dalle. Le nouveau marché est surélevé de 1 m par rapport à l’espace public. Le parvis et les abords doivent faire de cette contrainte un atout du projet.

CREATION ARCHITECTURALE ET PATRIMOINE VIVANT


Ce projet incarne le croisement positif de nos diverses compétences (urbanisme, patrimoine, construction, …) et nos engagements pour une architecture de territoire.

Il illustre l’apport de la culture patrimoniale pour la conception de bâtiments neufs et fait écho à l’univers du «marché» dans sa grande noblesse : une approche authentique de la gastronomie fondée sur la qualité des produits et leur traçabilité.

Il est ici question de terroirs, de provenances, d’AOC, de traditions mais aussi d’innovations et de notre attachement à la notion «d’élégante rusticité».

Les choix que nous avons fait en termes d’espaces, de fonctionnement, de techniques constructives et de matériaux sont dictés par cette approche.

Nous avons souhaité dans notre proposition un retour aux fondamentaux de l’architecture :

  • un plan simple, proche d’une typologie qui a fait ses preuves dans la tradition (tradition = suite ininterrompue de novations)
  • une grande clarté de distribution
  • une approche renouvelée des «matériaux» naturels (ceux qui se patinent) et moins de «produits» (ceux qui se dégradent)
  • une approche critique et créative issue en partie de la «culture patrimoniale» (stéréotomie, charpente savante, Philibert Delorme…)
  • une démarche de développement soutenable (toiture végétalisée, contrôle de l’énergie grise…), plutôt que «durable»
  • une grande richesse volumétrique grâce aux arcs de diverses portées et à cette charpente « qui danse »
  • une démarche de réinterprétation contemporaine de la typologie traditionnelle du marché couvert : élévation en pierre de taille, dispositif d’arcades, charpente bois apparente, distribution centrale, plan symétrique…
  • une architecture expressive qui accepte les évolutions liées à un usage commercial, laissant la place à l’appropriation des usagers et des commerçants.

L’ARCHITECTURE PEUT-ELLE APPORTER DES SOLUTIONS AUX PROBLÉMATIQUES CONTEMPORAINES DE NOS TERRITOIRES ?


Le projet propose de nourrir le cœur de ville par la ressource locale

La pierre et le bois de provenance locale sont les deux matériaux principaux de l’architecture du lieu :

  • Epicéa des Vosges pour la grande résille bois intérieure
  • Calcaire de Meuse  Calcaire d’Euville pour les quatre grandes façades en pierre qui ceinturent l’édifice.

Le projet propose un dialogue entre deux mises en œuvre qui ont un principe commun :un assemblage constructif expressif à partir de composants simples :

  • des arcs en pierre assemblant des pierres brutes et taillées (entreprise SNBR)
  • une résille bois dense assemblant une section de simples chevrons en Epicea (charpente Buguet)

Les arcs en pierre dialoguent avec les « croisée d’ogives » de la charpente bois. Les trames constructives s’affirment en volume et dessinent le caractère architectural du lieu.

Les trois formes d’arc respectent la géométrie de la « chainette » et conservent ainsi une familiarité de proportion.

  • Les 4 arcs étroits franchissent 2m
  • Les 10 arcs moyens franchissent 7m
  • Les 2 grands arcs des pignons franchissent 23m

Ces choix constructifs soutiennent la valeur des métiers, des savoir-faire, de l’art de construire. La pénurie actuelle de main d’œuvre est la conséquence du déclin de la qualité constructive. Il est urgent de redonner une place centrale aux artisans, aux compagnons, aux constructeurs. Les architectes ont un rôle à jouer.

Le bâtiment est uniquement fondé en périphérie sur 36 pieux enfoncés à 12 m qui soutiennent de grandes longrines de ceinture.

Puisant dans l’histoire de la construction de la pierre massive, cet édifice tente de réinterpréter une approche structurelle traditionnelle : du bon usage du bon matériau au bon endroit face aux multiples contraintes.Le principe constructif global est une structure mixte pierre/bois/acier avec la mise en œuvre d’une charpente métallique pour soutenir la toiture et le plancher sur une portée de 30m. (le plancher est suspendu à la charpente)

Les façades pierres stabilisent la grille métallique dans le sens longitudinal.

La grille d’acier stabilise les façades pierres dans le sens latéral.

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